Retour sur la rencontre régionale « Femmes en milieu rural : de l’école au monde du travail, défis et réussites » le 24/05/23 à St Dié des Vosges

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Ce sont plus de cent personnes qui se sont réunies le 24 mai à Saint-Dié-des-Vosges pour la seconde rencontre du cycle « La place des femmes en milieu rural » porté par Citoyens & Territoires, le Réseau Rural Grand Est, la Fédération Régionale des MFR ainsi que le Réseau Femmes des territoires Hautes-Vosges !

 

Après un acte I qui a rappelé la place plurielle et centrale de la femme dans les territoires ruraux (mère, bénévole, maire, entrepreneuse, agricultrice, aidante…), l’acte II s’est intéressé aux défis et réussites relevés par les femmes de l’école au monde du travail.

La présence de nombreux élus démontre le fait que cette question de la place de la femme en milieu rural est un enjeu sociétal prégnant. « Les femmes sont fédératrices pour le dynamisme dans le territoire mais leur parcours n’est pas homogène : il faut comprendre l’envergure des défis devant noustrouver des solutions adaptables » introduit Sylvie D’Alguerre, conseillère régionale déléguée à l’égalité femmes-hommes, qui ajoute œuvrer de concert avec son homologue en charge de la ruralité.

À ses côtés, Jérôme Normand, Directeur de projet à la ruralité à la Préfecture des Vosges et Caroline Dabrigeon, Sous-Préfète de l’arrondissement de Saint-Dié-des-Vosges. Monsieur Normand a rappelé les engagements de l’État (au travers notamment de l’ANCT) au service des territoires ruraux et sa volonté de rendre la vie quotidienne agréable et d’ouvrir les possibilités d’émancipation des femmes comme des hommes dans la ruralité.  Carine Pezerat, Déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité femmes-hommes a, quant à elle, souligné les difficultés propres aux femmes en milieu rural : plus de temps partiel, plus d’emplois précaires, de nombreux problèmes de mobilités, de garde d’enfants et d’accès à la santé sur lesquels l’État travaille.

Après Sophie Orange le 1er mars, c’est Yäelle Amsellem-Mainguy, autrice de « Les filles du coin – Vivre et grandir en milieu rural » qui est venue présenter à l’assemblée ses travaux. Pour écrire cet ouvrage, qui porte sur celles qui restent, la sociologue a mené deux ans d’enquête et plus de 200 entretiens avec des jeunes filles à-travers toute la France. Le livre se divise en quatre parties. Les élèves de la MFR de Saint Dié des Vosges ont sélectionné des extraits de l’ouvrage qui ont été lus devant l’assemblée sous forme de petites scénettes. Yaëlle Amsellem-Mainguy a ensuite pu commenter chaque chapitre et échanger avec la salle.

 

Chapitre 1 – C’est quoi être une ‘’fille du coin’’ ?

Ce qui ressort de l’enquête :

Être une fille du coin c’est être une fille marquée par sa lignée familiale. On le ressent à la manière dont les femmes sont appelées dans les villages (la petite du boulanger, la fille du facteur…), on ne lui donne plus de prénom, elle est définie par sa filiation. Et lorsqu’en parlant d’une fille, on la nomme, c’est souvent dans un contexte de dénigrement, pour signifier qu’elle n’est pas fréquentable, dire son prénom est le marqueur du rejet, elle n’est pas ou plus la fille de quelqu’un. Une fille du coin est une fille qui fait partie d’une famille que tout le monde connaît et respecte ; c’est être reconnue comme fille dont les parents sont actifs dans la vie de la commune (activités sportives ou culturelles…) et dont le comportement est louable.

 

Chapitre 2 – Les études

Ce qui ressort de l’enquête :

La sociologue rappelle que le milieu rural ne se résume pas aux métiers de l’agriculture. Il y a aussi beaucoup d’ouvriers et d’employés. Cela a des effets sur les formations proposées ou choisies par les jeunes filles. Le choix des études relève aussi de la nécessité de trouver du travail d’où un intérêt des jeunes filles à s’orienter vers les métiers d’aide à la personne et des métiers en tension qui offrent une sécurité au recrutement (pas de discrimination car les besoins sont trop forts).

Les études sont souvent plus courtes pour les gens issus du milieu rural. La distance à parcourir pour accéder aux formations contraint certains jeunes à intégrer un internat. L’internat représente bien souvent la première séparation entre la fille et sa mère. La mère souffre autant que sa fille de l’absence de l’autre. Ce d’autant plus lorsque la fille a une place centrale dans la gestion du foyer.

 

Chapitre 3 – Les loisirs

Ce qui ressort de l’enquête :

En milieu rural, les garçons ont bien plus de loisirs que les femmes. Pour celles-ci, le loisir relève du simple plaisir et peut contrevenir à certaines contraintes financières. La place de la voiture est aussi importante pour se rendre au lieu du loisir. Dans les foyers n’ayant qu’une voiture, celle-ci est généralement attribuée aux activités masculines (travail, loisirs…).

Le sport comme loisir creuse encore plus le fossé des inégalités. Si les sports sont mixtes à l’enfance, l’adolescence sépare filles et garçons. On part sociologiquement du principe que les filles n’aiment pas le sport. Cela entraîne une série de causes à effets : moins de pratiquantes présumées, donc moins d’offres sportives pour les femmes, un éloignement des offres existantes, un manque de professeurs/d’entraîneurs, ce qui pousse les femmes à ne pas pratiquer de sport.

De manière générale, la pratique d’un loisir pour une femme demande une organisation dans la gestion des tâches journalières et dans les conditions favorables à la pratique d’un loisir.

 

Chapitre 4 – Le travail

Ce qui ressort de l’enquête :

L’importance pour une femme d’avoir du réseau lorsqu’elle cherche du travail. La question du réseau pour trouver un travail s’impose encore plus en milieu rural avec le bouche-à-oreille. Être une fille du coin permet d’avoir la nouvelle de l’offre d’emploi avant même que l’offre ne soit publique et lui donne donc un avantage comparé à d’autres personnes n’étant pas du coin. Au-regard de la pénurie d’emplois dans certaines zones rurales et parce que les femmes sont moins mobiles que les hommes (qui ont la voiture), les femmes se disent chanceuses d’avoir un emploi. Si celui-ci ne leur plaît pas, elles font avec.

Les propos de Yaëlle Amsellem-Mainguy font réfléchir la salle durant la pause déjeuner… Un déjeuner ponctué par la visite de Anne Gintzburger, coordinatrice du festival “Toutes Nos Voix”, évènement citoyen, populaire et culturel, qui s’engage pour les droits des femmes et l’égalité dans toute la Lorraine.

L’après-midi s’ouvre sur la présentation de données chiffrées par l’OREF sur l’égalité professionnelle femmes/hommes dans le Grand Est, avec un focus sur les Vosges, parmi les départements les plus ruraux de France. Une table-ronde permet ensuite aux participants de découvrir des structures favorisant l’emploi et l’entreprenariat des femmes en milieu rural :

  • L’Or du Commun, une association d’entraide entre entrepreneuses basée à Andolsheim ;
  • Femmes des Territoires Hautes Vosges, une initiative qui met en relation des entrepreneuses, des porteuses de projet et des femmes qui soutiennent les soutenir ;
  • Les Semeuses, un collectif paysan installé dans la Meuse ;
  • Le programme Elles osent en Grand Est, porté par la Région et permettant chaque année à 12 lauréates d’obtenir des clés pour oser, de se créer un réseau et d’être rendues visibles ;

 

Des ateliers ont ensuite permis aux participantes d’échanger et rebondir en plus petits comités, d’identifier ensemble les obstacles à l’entreprenariat et à l’emploi féminins et d’esquisser des pistes d’amélioration. Les membres des différents collectifs se sont répartis dans chacun des groupes et ont pu partager librement leurs expériences, leurs ressentis et les différentes ressources qu’elles ont exploitées et exploitent encore aujourd’hui pour monter leur projet ou structure. Parmi ces obstacles et pistes mentionnés :

 

Obstacles Pistes
Syndrome de l’usurpateur Droit à une expérimentation
La compétition, la concurrence Statut de SCOP permet de rendre le travail plus solidaire et de sortir du chemin tracé par patriarcat
Ne pas oser (se lancer, sortir des sentiers battus…) Oser ! Certains programmes aident à prendre confiance.
Isolement, solitude Importance du collectif, de développer un réseau, d’être accompagnée -> les espaces de coworking sont une réponse

 

À noter que les participants aux deux premières journées étaient principalement des femmes. Pourtant ce cycle de rencontres ne s’adresse pas qu’à elles ! Car prendre en compte la moitié de la population est l’affaire de tous et non celle uniquement de la moitié en question ! Au cours des ans, les femmes ont su investir les espaces masculins (même si du chemin reste à parcourir) alors messieurs, faites la même chose, nous vous attendons !

Bonus :

  • Cartographie « Égalité des genres en entreprise » ;
  • Exposition de portraits « Femmes des territoire » préparée par le réseau Femmes des territoires des Hautes-Vosges ;
  • Une équipe de Vosges TV était présente, retrouvez le reportage ;

 

Copyright : Citoyens_Territoires et Réseau_Rural_Grand_Est

Publiée le Vendredi 30 Juin 2023
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